samedi 2 mai 2015


Vous avez déjà rêvé d'être une petite souris pour voir tout ce qu'on vous cache?

Et bien moi, je l'ai été. Le statut de stagiaire, c'est le statut de la petite souris, c'est celui qui voit tout mais qu'on ne voit pas forcément. C'est celui à qui on ne cache rien parce qu'on sait qu'il ne peut pas le répéter, c'est aussi celui à qui on se confie parce qu'il n'appartient pas vraiment à l’hôpital mais peut
quand même comprendre. Bon, j'ai parfois détesté ce statut (ben oui, travailler comme une acharnée sans salaire, ça va bien deux minutes quand même!) mais dans l'ensemble, il a été une vraie école de la vie.

Depuis toute petite, je regardais toutes les émissions médicales, fascinée par ce milieu fermé, par cette espèce de machine bien huilée qu'on appelle hôpital. Encore aujourd'hui, je reste captivée par cette espèce de mini-ville qui se remplit chaque matin de nouvelles équipes soignantes pour remplacer ceux qui sont épuisés par la nuit qu'ils viennent de passer au chevet des malades.

Un hôpital, c'est pour moi un bâtiment rempli d'histoire, bien plus parfois que les châteaux et musées. C'est un endroit rempli d'histoires personnelles. Je ne peux m'empêcher en passant devant ces grands bâtiments impersonnels de penser à ce qui se joue la dedans: certains y naissent, y meurent, se réconcilient, retrouvent l'espoir, le perdent, .... Et nous, en tant que personnel soignant, nous sommes les témoins privilégiés de ces moments. Des petites tranches de vie que l'on partage, qui nous épuisent, ou qui nous vivifient.

Ce que je déplore, c'est que ce même personnel soignant perd de vue la chance que nous avons de vivre ces moments. Je déplore cet hôpital déshumanisant où la personne qui passe les portes passe dans notre grand rouleau compresseur pour devenir un "malade". Je regrette que le projet de vie du patient passe au second plan, tout comme son avis. Savez vous par exemple que bien souvent, toutes les solutions thérapeutiques possibles ne vous sont pas données?  Savez vous aussi que le personnel non médical (dont je fais parti en tant que kiné) n'est normalement pas autorisé à répondre à certaines questions à la place du médecin? Et pourtant bien souvent, je me retrouve face à des patients qui n'ont qu'un nom de pathologie, qui ne savent pas ce que c'est et qui ont été orientés bien malgré eux vers un traitement auquel il ne comprennent rien.

Ce que je dénonce aujourd'hui, c'est le trop grand pouvoir des médecins, privant les autres professions de libertés qu'ils devraient avoir. J'observe un manque de coopération entre les métiers alors que  le patient aurait tout à gagner à ce qu'on communique mieux. Je ne blâme pas les médecins, le système les a placé dans ce rôle parce qu'ils sont simplement les plus qualifiés en terme de connaissances.
 En vérité, je les plains. Il n'est pas rare de croiser un médecin qui n'est pas rentré chez lui depuis 36h, de croiser un médecin qui a fait plus de 100h dans la semaine. Je les plains parce que peu importe leur états d'âmes, peu importe le manque de sommeil, tout repose quand même sur leurs épaules. Imaginez vous prendre des décisions de vie ou de mort alors que vous n'arrivez même pas à rester éveillés devant la TV après une nuit blanche? Ça, c'est leur quotidien. Non je n'aimerais pas être médecin parce que certes, ils ont un meilleur salaire, mais ils n'ont pas toujours une meilleure vie.

Les patients se confient à moi, se plaignent et je le comprends. Mais qui doit-on blâmer? Le médecin qui fait ce qu'il peut, ou le système de santé qui cherche à économiser en diminuant le personnel de l’hôpital (ou en privant les patients de traitements jugés trop chers...)? Je crois que lorsqu'on s'est mis à économiser sur la survie des gens, le monde a commencé à tourner à l'envers.

Dans cette grande machine que nous appelons l'hôpital, nous ne sommes tous que des numéros, aussi bien soignants que soignés. Votre lit est réutilisé à la minute ou vous partez. On enlève le nom de votre casier à la seconde où vous démissionnez. Et la grande machine de l'hôpital continue de tourner, parce qu'on y est obligés, parce qu'il le faut bien...


Et vous, qu'en pensez vous? Avez vous eu des bonnes ou mauvaises expériences à l'hôpital?
Cet article vous a t'il plu ou étonné? 
Rendez-vous sur Hellocoton !

Tagged:

2 commentaires :

  1. Chère Justine,

    Ton article est vraiment très bien écrit ! Mon oncle, qui a été médecin et chirurgien, serait du même avis que toi !
    Je n'ai pas grand chose à ajouter car tu décris très bien certaines problématiques qui entourent le milieu hospitalier. Je comprends que certains patients se plaignent mais il faut aussi voir que les conditions de travail sont dures pour ceux qui exercent là-bas. Je pense que ce milieu ne doit pas non plus être appréhendé de manière trop manichéenne...mais je conçois que pour les personnes qui y sont, patient ou soignant, ce soit plus facile à dire qu'à faire.

    Je n'ai jamais vécu de mauvaises expériences à l'hôpital - si ce n'est l'attente très longue aux urgences, mais un certain nombre de personnes autour de moi en gardent un mauvais souvenir. À qui la faute ? Je n'en sais rien. Je pense que comme dans tout métier, il y a des soignants plus compétents que d'autres, et des personnes plus portées sur l'humain et le relationnel que d'autres.

    Je voulais te demander, toi qui es dans le milieu médical, que penses-tu de la Loi Santé et de la réforme de l'AP-HP ?

    Dans tous les cas, sache que j'ai beaucoup apprécié ta réflexion sur ce sujet tout de même assez complexe. Ce genre d'article constitue sans aucun doute une plus-value pour ton blog, et j'espère que tu nous fera partager d'autres points de vue sur d'autres questions ayant trait au monde médical, à la santé, ou même à d'autres sujets de société.

    Shasha

    RépondreSupprimer
  2. Coucou Charlotte,

    Merci pour ton avis, je referai sans aucun doute ce genre d'articles, c'est ce que je préfère écrire, je dois l'avouer!

    La réforme de l'AP-HP, je n'en connais que les grandes lignes et je n'ai donc pas vraiment d'avis dessus. Quant à la loi santé, elle ne concerne que très peu les kinés. Beaucoup pratiquent déjà le tiers payant généralisé. La seule chose qui va vraiment changer pour nous, c'est que nous aurons plus de prérogatives en matières de prises décisionnelles. En plus de ça, on tend en france vers l'institution d'un master en kinésithérapie qui peut-être, fera en sorte que l'on ne soit pas obligé d'aller apprendre notre métier en belgique, mais aussi favorisera la recherche en kiné, ce sur quoi nous sommes cruellement en retard comparé à des pays comme la belgique ou la suisse. Maintenant, je n'ai pas assez de recul sur la profession pour avoir un avis vraiment fiable. La vraie problématique de cette loi, c'est pour les médecins, bien que je pense secrètement que les mesures à appliquer ne soient pas non plus catastrophiques, certaines sont même bonnes! Pour être honnête, je ne suis pas trop d'accord avec leur mouvement de protestation! Enfin, je n'ose pas trop en dire plus. ;)

    En tout cas, la question était intéressante! Je serai intéressée également par ton avis sur la question, toi qui appartient à une famille de médecins! ;)

    Bisous à toi!!

    RépondreSupprimer